Réseaux sociaux et extrême droite : CELL quitte X (et rejoint d’autres alternatives)
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Depuis une dizaine d’années, les réseaux sociaux se sont imposés comme des espaces incontournables pour partager des informations. Longtemps utilisés comme des espaces de débat et de mobilisation citoyenne, certains d’entre eux sont aujourd’hui en train de se transformer en véritables outils au service des intérêts de l’extrême droite. Les politiques d’Elon Musk, propriétaire de X (anciennement Twitter), et Mark Zuckerberg, fondateur de Meta (Facebook et Instagram), y sont pour quelque chose. Pour CELL, l’accaparement de ces réseaux par l’extrême droite constitue une menace directe pour la démocratie et la justice sociale et environnementale, que nous défendons ardemment.
Trump, un désastre pour l’écologie
Dès le premier jour de son arrivée à la Maison Blanche, Donald Trump a (à nouveau) retiré les États-Unis de l’Accord de Paris sur le Climat. Il a promis, entre autres mesures catastrophiques pour l’environnement, de lever les moratoires sur de nouveaux projets de forage et miniers, ainsi que de bloquer tout nouveau projet éolien aux États-Unis durant son mandat, qualifiant les éoliennes de « désastre économique et environnemental ».
La mainmise de personnalités d’extrême droite sur le débat public
Depuis qu’Elon Musk a racheté Twitter en 2022, devenu X, la plateforme a pris un virage radical. Musk a non seulement rétabli les comptes suspendus pour discours haineux, dont celui de Donald Trump, mais il a également réduit à néant la vérification des informations publiées et la modération des contenus. Cela a conduit à une explosion de la désinformation, des contenus haineux, des discours climatosceptiques et des théories du complot.De son côté, Mark Zuckerberg, patron de Meta (Facebook, Instagram, WhatsApp…), a annoncé récemment une série de mesures pour « restaurer la liberté d’expression » contre la « censure » sur ses réseaux : la suppression des équipes de fact-checking de Meta aux États-Unis, ainsi que la fin de la politique d’inclusion des minorités, et de l’interdiction, notamment, de comparer les personnes noires à du matériel agricole, ou les femmes à des propriétés. Mark Zuckerberg a, par ailleurs, sponsorisé la cérémonie d’investiture du président Donald Trump.
Un impact dévastateur sur la justice sociale et environnementale
Sur X, les attaques contre les militants écologistes pour discréditer les efforts en faveur de la transition écologique prolifèrent. De nombreux activistes et associations environnementales subissent des campagnes de harcèlement en ligne, freinant leur capacité à agir et à communiquer. En semant le doute sur l’urgence climatique ou en minimisant ses impacts, les discours climatosceptiques retardent l’adoption de politiques publiques ambitieuses. Ce climat toxique contribue à fatiguer et à dégoûter les citoyens, qui risquent de se désengager et de se désintéresser à la fois de l’information mais aussi de la politique, deux piliers d’engagement citoyen cruciaux pour nos démocraties.Le glissement du positionnement de Meta, pourtant considéré comme progressiste à une époque (en janvier 2021, à la suite des émeutes du Capitole, Meta avait suspendu les comptes Facebook et Instagram de Donald Trump, invoquant son « éloge des personnes impliquées dans la violence au Capitole le 6 janvier ») vers l’extrême droite nous inquiète. Sans travail rigoureux sur la vérification des informations sur les plateformes que nous utilisons, travail jusque lors réalisé par des agences de presse et des journalistes professionnels ; sans modération et interdiction des propos sexistes, racistes, et homophobes, on laisse la porte ouverte à la désinformation et aux propos de haine. Nous ne sommes pas dupes : ce changement de politique radical de Meta au nom de « la liberté d’expression » est une manière déguisée de faire allégeance à Donald Trump, et de diffuser à grande échelle – à échelle mondiale dans ce cas – les idées de haine de l’extrême droite. Le « fact-checking » et la modération des contenus sont, selon nous, des garants de la démocratie. Le lien entre politique, écologie et justice sociale est plus que jamais démontré.
Ils et elles quittent X
Le 6 novembre 2024, au lendemain de la réélection de Donald Trump à la présidence des États-Unis, plus de 115 000 utilisateurs américains ont désactivé leur compte X (Twitter), marquant le plus grand nombre de suppressions en une journée depuis le rachat de la plateforme par Elon Musk.La date du 20 janvier 2025, jour de l’investiture de Donald Trump et de la nomination d’Elon Musk à un poste gouvernemental, a été choisie par de nombreuses organisations à travers le monde pour quitter X massivement et de manière coordonnée. Parmi elles, 87 associations françaises, dont Emmaüs, Greenpeace et La Cimade, ainsi qu’une soixantaine d’universités allemandes et autrichiennes, ont annoncé leur départ, dénonçant l’absence de modération et la prolifération de contenus haineux sur la plateforme. Dans une tribune publiée dans le Nouvel Obs, une quarantaine de chercheurs, experts et journalistes spécialisés sur les enjeux environnementaux ont annoncé leur retrait collectif de X : « Nous ne voulons plus cautionner un réseau devenu un outil de désinformation massive, de harcèlement systématique et de fragmentation du débat public. »Au Luxembourg, les départs de X, souvent au profit de la plateforme Bluesky, se multiplient. Parmi eux, des personnalités politiques (Tilly Metz, députée européenne pour le groupe des Verts, Franz Fayot, député du LSAP, Yuriko Backes, ministre des Finances), des organisations de la société civile (Greenpeace Luxembourg, MSF Luxembourg), des médias (le Tageblatt, le Lëtzebuerger Journal, Virgule et la radio 100,7), la Ville de Dudelange et l’Université du Luxembourg. Nous nous joignons à ce mouvement.
Quitter X ou rester pour résister ?
Une question se pose : faut-il partir ou rester pour contrer les idées de l’extrême droite ?Pour David Chavalarias, spécialiste des réseaux sociaux interviewé par le média sur l’écologie Vert, « Cette question est un piège. Il n’y a aucune raison de rester sur un réseau qui ne respecte aucune valeur fondamentale de la liberté d’expression ou du débat public, et où tout est manipulé du sol au plafond. S’il y a le feu dans une pièce, vous n’y restez pas par solidarité : vous aidez les gens à en sortir. »Nous sommes de cet avis. Chez CELL, nous faisons très attention aux outils, plateformes et réseaux que nous utilisons. Par exemple, nous ne sommes pas sur TikTok pour des raisons éthiques ; notamment à cause du fait qu’il n’y a pas de modération du contenu ni de vérification des faits sur cette plateforme.
Co-créer d’autres alternatives
Bien qu’imparfaits, les réseaux sociaux restent des outils puissants pour mobiliser et agir en faveur de la justice sociale et environnementale. Chez CELL, nous ne pourrions nous en passer. Toutefois, leur accaparement par l’extrême droite et la suppression du fact-checking constituent pour nous une véritable entrave à la démocratie. Nous pensons que résister à cette tendance nécessite une mobilisation collective pour défendre des espaces numériques inclusifs, justes et transparents, refuser de nourrir des modèles mortifères et construire ensemble des modèles plus éthiques. Les législateurs doivent, par ailleurs imposer des lois plus strictes pour encadrer la modération des contenus, et limiter le pouvoir des géants de la tech.Pour toutes ces raisons, nous prenons la décision de quitter X, et questionnons également notre présence sur Meta (Facebook et Instagram). Nous venons de rejoindre Bluesky et comptons également rejoindre Pixelfeld (une alternative similaire à Instagram), et Mastodon, des plateformes open-source qui mettent en avant la décentralisation et des politiques de modération rigoureuses, privilégiant des modèles collaboratifs et éthiques. Êtes-vous déjà sur certaines d’entre elles ? Avez-vous des avis ou recommandations ? En attendant, voici quelques recommandations d’actions et de comptes à suivre :
- Quitter X avec HelloQuitteX, une plateforme de migration créée par des chercheurs du CNRS qui aide à transférer ses données et ses abonnés vers d’autres plateformes
- Rejoindre des réseaux sociaux indépendants, comme Mastodon ou Bluesky
- S’abonner à des médias indépendants, tels que Vert, un média sur l’écologie qui offre un journalisme de grande qualité,
- Télécharger Chilli, une application révolutionnaire pour l’action climatique qui facilite la mobilisation contre des projets anti-démocratiques et écocidaires,
- Nous suivre sur LinkedIn et Bluesky (et bientôt sur Mastodon) !
- Partager notre post / article avec votre réseau !
Restons alertes, uni·es et mobilisons-nous 💚
Sources :
- Trump déclare la guerre aux éoliennes
- Fin du fact-checking chez Meta : pourquoi Mark Zuckerberg fait allégeance à Donald Trump ?
- Musk, Zuckerberg… les géants de la tech détruisent le réel
- David Chavalarias, spécialiste des réseaux sociaux : «Il n’y a aucune raison de rester sur une plateforme comme X»
- An open letter to Mark Zuckerberg from the world’s fact-checkers, nine years later
- Ces Luxembourgeois quittent X, sans scrupules
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