Combien de pesticides dans votre sapin de Noël ? Le paradoxe des sapins de Noël
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Nous retrouvons des traces de la tradition du sapin de Noël au Moyen Âge dans les pays germaniques. Un sapin de Noël était installé au centre de la ville. Les citoyens emmenaient ensuite simplement une branche chez eux pour les fêtes.
Cette tradition s’est répandue, au départ plutôt pour les personnes aisées, jusqu’à devenir un incontournable des fêtes de fin d’année à partir du XIXe siècle en Allemagne et du xxe siècle en France. Considéré par l’Église catholique comme une tradition du courant protestant luthérien, le premier sapin de Noël au Vatican n’a été installé qu’en 1982. Cette année, une lettre ouverte et une pétition ont été adressées au Pape pour ne pas installer le sapin de Noël prévu, un sapin vieux de 200 ans. Pourquoi ?
Le sapin dans la nature
Dans nos forêts européennes, le sapin blanc (Abies alba) est présent naturellement. Cependant, comparé à l’épicéa, sa croissance est plus lente et le sapin est sensible au gel printanier. Les épicéas, confondus avec les vrais sapins, sont devenus omniprésents dans les monocultures car ils étaient plus rentables. L’épicéa craint cependant la sécheresse et depuis 2017, on voit un dépérissement massif à cause des étés secs, des records de chaleur et des incendies. C’est le sapin Nordmann, originaire du Caucase occidental, qui domine aujourd’hui le marché avec 70-80 % des ventes de sapins de Noël.
La culture des arbres de Noël
Le problème avec les cultures des arbres de Noël, sapins ou épicéas, ce ne sont pas les espèces en particulier mais le fait qu’elles soient plantées en monoculure en dehors de leurs aires de répartition naturelle. Chaque année, des millions de sapins sont cultivés mais les monocultures amènent une faible diversité génétique. De plus des terres agricoles nourricières sont détournées afin de produire des sapins de Noël.
Un sapin de Noël est cultivé pendant 5 à 10 ans pour être jeté après quelques jours de passage dans le salon. Des hormones sont utilisées pour limiter la croissance des branches, ainsi qu’un cocktail de plus de 10 pesticides. Les monocultures entrainent une faible diversité génétique, donc une plus grande vulnérabilité aux maladies, et donc le besoin accru de pesticides. De plus, les coupes rases laissent les sols nus et provoquent la dégradation des sols, ce qui se solde par l’ajout d’engrais chimique.
L’installation d’un arbre de Noël, vendue comme un hommage à la Nature, est en réalité un acte de greenwashing par la consommation de masse, empoisonnant l’intérieur de nos maisons.
Au Luxembourg, 120.000 sapins sont vendus chaque année, et moins de 20 % proviennent du pays. Les arbres importés ont leur empreinte carbone multiplié par 2 à 5, à cause du transport et de la conservation au froid. Le Danemark exporte 10 millions d’arbres de Noël. La Belgique en exporte 3 millions et vise à augmenter sa production de 25 %.
Si l’idée de renoncer à un sapin peut sembler radicale, il existe des pistes pour concilier cette tradition et le respect de l’environnement. Les sapins jouent un rôle clé dans les forêts, et il ne s’agit pas de les éradiquer de nos paysages ! Ils apportent notamment des habitats et de la nourriture pour la faune. Les aiguilles restent jusqu’à 10 ans sur l’arbre et offrent un abri permanent aux oiseaux. Elles sont aussi une source de nourriture vitaminée pour les herbivores. Le tronc offre un lieu pour le nid des pics, tandis que les cônes nourrissent écureuils et petits mammifères. Le pollen ou la sève nourrissent également une multitude d’espèces ! De nombreux champignons vivent en symbiose avec les sapins, comme les cèpes, les chanterelles ou les morilles. Les bourgeons et les jeunes pousses, récoltés sobrement peuvent également être consommés par les humains et ont des propriétés intéressantes. Certains l’utilisent même pour faire de la bière, ou une liqueur appelée la sapinette. La résine du sapin blanc était utilisée pour les propriétés antiseptiques et expectorantes, ainsi que dans les cosmétiques. L’industrie pharmaceutique l’utilise encore aujourd’hui mais des dérivés du pétrole l’ont remplacée pour les cosmétiques, les produits d’entretien, etc.
Choisir une production de sapins responsable
En Suisse, les coupes rases sont interdites au profit des coupes ponctuelles faisant des apports de lumière ponctuelle, n’érodant pas le sol. Elles impliquent souvent des techniques de culture plus douces et moins mécanisées. Certains s’orientent même vers la traction animale, qui laisse les sols aérés et vivants. Diversifier les espèces d’arbres permet une meilleure résistance aux maladies et limite l’utilisation de pesticides. La diversité des arbres profite également à toutes les espèces en offrant une multitude d’habitats et de sources de nourriture.
Au Luxembourg, des initiatives existent avec une production locale :
- sapins.lu proposent des sapins Nordmann cultivés sans pesticides. Pour chaque sapin acheté, un autre est planté.
- La pépinière Wahl (Eppeldorf) propose des sapins issus de leur propre production.
- La pépinière Wagner-Kox à Tuntange proposent des sapins de leur production de Belgique.
- La ferme de la famille Meyers (Assel) proposent des sapins Nordmann de leur production, coupés à la demande.
- Des sapins en pot sont proposés à la location par la pépinière Bamschoul Becker (Steinsel). Malgré la bonne intention, cette solution n’est pas parfaite, impliquant de nombreux transports. Les arbres loués mettent plusieurs années à se remettre du choc, s’ils font partie des heureux 50 % de survivants.
- Onperfekt propose des sapins qui ne rentrent pas dans les critères standardisés de beauté
Trouver des alternatives aux sapins
D’autres alternatives existent :
- Aller vers la sobriété et décorer la maison avec une ou quelques branches.
- Décorer un arbre à l’extérieur, avec des décorations comestibles pour les oiseaux. Idéal pour admirer la biodiversité pendant la saison froide.
- Construire un sapin à partir de matériaux de récupération. Une activité parfaite avec les enfants !
Vous l’aurez deviné, les sapins artificiels, en dehors de ceux fabriqués à partir de matériaux de récupération, ne font pas partie des solutions. Leur fabrication a un impact écologique important, et ils ne viennent pas d’une production locale. Il faudrait les utiliser pendant 20 ans pour compenser leur empreinte carbone, et actuellement ils sont changés tous les 3 ans !
Un appel à repenser la tradition
Le sapin de Noël, symbole universel de joie et d’unité, doit-il devenir une source de destruction pour nos écosystèmes ? Probablement pas. Ce n’est pas l’arbre en lui-même qui pose problème, mais les pratiques intensives de production et de consommation. Un autre chemin possible et nous appartient ! Dans un monde en quête d’équilibre écologique, transformer nos habitudes est peut-être le plus beau cadeau que nous puissions offrir à la planète.
Alors, cette année, quel sera votre choix pour célébrer Noël ?
Sources
- Revue Salamandre n° 279 – Mes beaux sapins. N° 279 – Décembre 2023 – Janvier 2024
- https://paperjam.lu/article/mon-beau-sapin-roi-business
- https://master.salamandre.net/article/limpact-des-cultures-de-sapins-de-noel-sur-les-oiseaux/
- https://www.lessentiel.lu/fr/story/au-luxembourg-le-sapin-de-noel-de-la-place-d-armes-a-ete-abattu-ce-jeudi-matin-103211831
- https://www.virgule.lu/luxembourg/la-capitale-recherche-des-sapins-pour-decorer-la-ville-a-noel/15957872.html
- https://www.virgule.lu/economie/un-sapin-made-in-lux-pour-noel-ca-vous-dit/239226.html
- https://www.naturemwelt.lu/eine-nachhaltige-weihnachtszeit/
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