Est-ce que le Luxembourg doit organiser sa décroissance ?
3 min de lecture
Avec ce titre de conférence à l’occasion des 20 ans du Nohaltegkeetsrot (CSDD), le chercheur français Thimothée Parrique de l’Université de Lausanne a fait un passage (remarqué) au Luxembourg.
Depuis sa conférence donnée devant une salle comble (350 personnes), on peut dire que le terme «décroissance» n’est plus le mot impossible à prononcer au Grand-Duché. Loin des phantasmes de certains qui pensent qu’il s’agit de l’apocalypse économique, l’économiste définit la décroissance comme «une réduction de la production et de la consommation pour alléger l’empreinte écologique planifiée démocratiquement dans un esprit de justice sociale et dans le souci du bien-être». Lors de la conférence le professeur Christian Schulz (UniLu) a partagé une analyse succincte sur la dépendance actuelle du Grand-Duché à une croissance du PIB, pour financer son train de vie, ses pensions, ses infrastructures…
Contrairement à la croissance verte qui mise fortement sur les écotechnologies, la décroissance se base sur l’évitement, sur toute ressource que nous n’allons pas consommer du tout. Pour un pays comme le Luxembourg qui comptabilise une empreinte écologique de huit planètes, le régime devra être efficace et conséquent, un agenda qu’il va falloir planifier et de manière concertée. Il faudra notamment faire des choix de quels secteurs la société aura besoin le plus et quoi on peut s’en passer facilement, sur quelles priorités miser pour sortir vite de l’obésité en ressources et de l’obsolescence programmée.
Lors de la soirée les questions du public ont été nombreuses: par quel secteur commencer, quels processus engager avec les décideurs et les citoyens, comment motiver les acteurs publics et privés, comment éviter l’effet rebond, et comment ne pas aggraver l’injustice sociale? Un public qui s’est rendu compte à quel degré il y a un décalage entre les propos décroissants et celles du déni par rapport à l’urgence planétaire qui demande sans tarder une sortie planifiée du modèle économique ravageur actuel.
Une question qui nous intéresse au sein du réseau da la transition à Luxembourg (dont CELL) est: étant donné les institutions luxembourgeoises mettront du temps à se faire à un ralentissement d’une économie basée sur le «toujours plus», comment les citoyen-ne-s seront amenés à proposer des pistes cohérentes, concrètes et inclusives? Et cependant les pistes ne sont pas nouvelles: désinvestir son argent de projets écocides, miser sur les communs en termes d’habitation, d’alimentation, d’énergie mais aussi d’argent, aussi lancer des assemblées citoyennes, relancer des monnaies locales et mettre en place un revenu de transition pour favoriser des activités émergentes dans le domaine de la transition sociétale. Si cela figure à l’agenda du mouvement de la transition, allons-nous y arriver suffisamment vite et avec assez d’ampleur pour revenir sous le plafond des limites planétaires tout en respect le plancher social? Je vous attend pour échanger sur des pistes concrètes!
À lire «Ralentir ou périr – L’économie de la décroissance» par Timothée
Parrique et paru en 2022 aux éditions Seuil.
16900 vues
0 commentaires